Marchés Financiers
15/11/2024 : Le point sur les marchés financiers novembre 2024
Octobre a été marqué par une poursuite de la baisse de l’inflation, particulièrement en Europe, et un ralentissement de l’activité économique en Chine et en Allemagne alors que l’économie américaine reste résiliente. Malgré ce contexte plutôt favorable aux baisses de taux directeurs, les taux d’intérêt à court et moyen terme ont augmenté face au double défi géopolitique et de finances publiques auquel les gouvernements occidentaux sont confrontés. Les tensions au Moyen-Orient ont provoqué une forte volatilité du pétrole avec des hausses temporaires à $81 par baril de Brent, suivies d’une correction rapide à $73 en fin de mois. Sur les marchés, la volatilité a été élevée pour les indices actions. Le dollar s’est renforcé face à plusieurs devises, l’or a passé la barre des $2700 l’once, et les matières premières ont évolué au gré des événements géopolitiques.
Zone Euro :
L’inflation de la Zone-euro est remontée à 2 % en octobre après être tombée à 1,7 % en septembre (IPCH1), un plus bas depuis 2021. Cette hausse semble liée à des facteurs temporaires et l’inflation cœur est restée à 2,7 %. Le retour de l’inflation à l’objectif de 2 % en moyenne semble se rapprocher plus vite que prévu et la croissance semble s’essouffler. Le ralentissement qui touche à nouveau l’Allemagne pèse sur les autres économies européennes. Elle résulte de la faiblesse des commandes industrielles et de la consommation domestique. Le ralentissement de la demande chinoise a particulièrement affecté l’industrie allemande, notamment le secteur de l'automobile qui est également concurrencé par les modèles électriques chinois très compétitifs. Le PMI composite2 est globalement inchangé (49,7), il reste en zone de contraction pour le deuxième mois consécutif. Cela laisse présager une croissance faible au début du 4e trimestre.
Néanmoins, dans le secteur industriel, les indicateurs avancés commencent à montrer des signes d’amélioration. Le PMI manufacturier allemand a surpris en dépassant les attentes avec un score de 42,6 contre 40,8 attendu. Le segment des services reste en expansion dans la plupart des économies européennes. La croissance de la zone euro a surpris à la hausse au 3e trimestre (+0,4 % en glissement trimestriel), soutenue par l’Espagne et la France qui a bénéficié des derniers Jeux Olympiques. La France reste impactée par des performances sectorielles faibles, notamment dans le luxe, et l’effet positif des Jeux Olympiques semble s’estomper rapidement dans un contexte politique incertain. Cependant, la croissance française ressort au-dessus des attentes à 1,3 % en rythme annuel sur le 3e trimestre.
Etats-Unis :
L’économie américaine a fait preuve de résilience en octobre avec un marché de l’emploi plus solide que prévu et un maintien de la demande privée. La croissance du PIB réel des États-Unis s’est établie à 2,8 % (en glissement trimestriel), légèrement en dessous de la croissance du 2e trimestre. Le rapport sur l’emploi de septembre a surpris les analystes, avec 254 000 créations de postes contre un consensus à 140 000, ce qui a maintenu le taux de chômage à 4,1 %. Ce dynamisme de l'emploi réduit les risques d’une récession à court terme en soutenant la consommation. L’indice du climat de consommation de l'Université du Michigan pour le mois d'octobre a atteint son niveau le plus élevé depuis 6 mois. Les indicateurs PMI avancés d’octobre pointent toujours sur une expansion de l’activité. Cependant, celle-ci est tirée uniquement par les services et on note une détérioration des perspectives dans le secteur manufacturier, avec la publication de l’ISM3 à 46,5 au plus bas depuis 2 ans.
L’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) a progressé à 3,3 % en octobre et l’inflation PCE cœur4, a été publiée à 2,7 % en variation annuelle, rappelant que les pressions sur les prix ne sont pas encore pleinement sous contrôle.
L’inflation totale passe de 2,4 en septembre à 2,6 % en octobre, en ligne avec les attentes du marché.
Après une campagne marquée par plusieurs événements extraordinaires, Donald Trump a remporté les élections présidentielles. Après la prise du Sénat, les républicains conservent la majorité à la Chambre des représentants. Le contrôle des deux Chambres devrait permettre à Donald Trump de faire passer la partie de son programme la plus consensuelle au sein du parti républicain (baisses d’impôts, extension des baisses d’impôts temporaires, dérégulation, etc.).
Chine :
En Chine, le gouvernement a intensifié les annonces de soutien budgétaire et monétaire pour stimuler la demande intérieure, incluant des réductions de taux directeurs, un soutien au secteur de la construction et à la consommation. La banque centrale continue de baisser ses taux d’intérêt. La réunion du Comité permanent de l'Assemblée nationale populaire qui s’est tenue du 4 au 8 novembre a permis de donner les détails de la politique fiscale. Le montant du plan envoie un signal mitigé, et potentiellement déceptif au vu des attentes très élevées, mais conforme à son modus operandi. Pékin semble en effet privilégier la stabilisation de l’économie en visant en premier lieu des problématiques structurelles sur le long terme. La porte reste néanmoins ouverte pour un stimulus plus conjoncturel, mais les annonces resteront vraisemblablement graduelles et conditionnées à la politique économique mise en place par Donald Trump. La croissance chinoise a atteint 4,6 % au troisième trimestre. Ce niveau reste insuffisant pour atteindre l'objectif annuel de 5 % et ne compense pas la faiblesse du secteur immobilier. Bien que la demande intérieure se soit redressée, comme en témoigne l'amélioration des ventes au détail, la croissance des exportations demeure faible. La Chine réplique à la montée des droits de douane en Europe et aux Etats-Unis. Ce contexte a généré un climat d’incertitude pour les partenaires économiques de la Chine dans un contexte géopolitique tendu avec la conférence des BRICS en Russie.
RETOUR SUR LES PRINCIPALES CLASSES D’ACTIFS
Banques Centrales :
Sans surprise, la BCE a décidé de baisser à nouveau ses taux directeurs de -0,25 % le 16 octobre dernier, ce qui porte le taux de dépôt à 3,25 %, le taux de refinancement à 3,40 % et le taux de la facilité marginale de prêt à 3,65 %. Christine Lagarde justifie ce mouvement par un processus de désinflation qui est « en bonne voie », des perspectives d’inflation qui ont été affectées par les récentes surprises négatives sur l’activité et des conditions de financement qui demeurent restrictives. La BCE reste dépendante des données macroéconomiques et prendra ses décisions meeting par meeting. Depuis, les interrogations semblent s’intensifier parmi ses membres sur le risque de connaître une rechute trop rapide de l’inflation sous la cible de 2 %, en particulier si la croissance reste atone. Les marchés tablent dorénavant sur une baisse d’un quart de point à chacun des 5 prochains meetings ce qui inscrirait l’€STR autour de 1,90 % mi 2025.
Comme cela était entièrement anticipé par les marchés, en novembre la Réserve Fédérale Américaine a baissé sa fourchette cible de Fed Funds de 25 points de base à 4,50 % / 4,75 %. Il s’agit de la deuxième baisse de taux après celle de -0,50 % en septembre. Elle justifie cette décision par le ralentissement de l’inflation et un marché du travail plus équilibré, ce qui devrait faciliter le retour durable à l’objectif d’inflation de 2 %. Les journalistes ont essayé de savoir comment la politique du Federal Open Market Committee5 (FOMC) serait affectée par les décisions du nouveau Président, et Powell a clairement fait comprendre que cela n’affecterait pas la politique de la Fed dans un premier temps. L’institution intègrera dans ses perspectives, au fur et à mesure, les changements annoncés lorsqu’elle pourra les analyser, sachant que les impacts devraient être progressifs.
La Banque d’Angleterre a procédé à sa deuxième baisse de taux en ramenant son taux directeur de 5,0 % à 4,75 %. Les perspectives sur l’inflation sont plus favorables à court terme que ce qu’elles étaient précédemment, même si la Banque Centrale anticipe que le budget devrait avoir un impact haussier sur l’inflation. Le communiqué précise que la politique monétaire doit rester restrictive suffisamment longtemps pour que l’inflation revienne durablement à la cible. L’assouplissement devra être graduel et les décisions prises à chaque réunion.
Marchés obligataires :
Les rendements obligataires souverains des deux côtés de l’Atlantique ont nettement augmenté en octobre et jusqu’au 7 novembre, intégrant progressivement le scénario d’une victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle, ainsi que les risques inflationnistes que comporte la mise en place de sa politique. Néanmoins, la dynamique à la hausse des taux est plus ancrée aux US qu’en Europe, où l’effet de contagion est plus limité. Les courbes de l’euro se sont pentifiées significativement (progression plus rapide des taux sur la partie longue que sur le segment plus court), avec un rendement du Bund 10 ans en hausse de 40 points de base, traitant aujourd’hui à 2,40 %, en raison notamment d’une prime de terme plus élevée. La hausse du rendement du Schatz (emprunt d’Etat allemand) à 2 ans était moins marquée sur la même période, avec seulement +20 points de base pour s’inscrire à 2,20 %. La dégradation de la perspective de stable à négative, pour la notation de la France, s’est traduite par un écart de rendement entre les obligations souveraines à 10 ans des deux pays qui demeurent sous pression, autour de 0,75 %, proche du plus haut de l’année. Aux US, les taux longs à 10 ans ont encore plus progressé depuis 1 mois, de +0,65 %, pour s’afficher aujourd’hui à 4,40 %, nourris par les craintes inflationnistes. En effet la politique commerciale, migratoire et budgétaire du nouveau gouvernement laisse craindre de futures tensions inflationnistes.
Sur le marché du crédit, le fait marquant aura été la dépréciation relative des obligations par rapport aux taux swap (signature interbancaire). En effet le reflet de la confiance dans le secteur bancaire a permis aux taux swaps de se maintenir, alors qu’on observait dans le même temps une remontée des rendements des obligations privées et souveraines. L’appétit pour les obligations du secteur privé est toujours bien réel et les émissions sur le marché primaire sont toujours largement sursouscrites.
Notre gestion :
Nous avons soldé notre exposition sur les obligations souveraines UK compte tenu du contexte budgétaire qui risque de peser sur les taux. Nos portefeuilles affichent dorénavant une sensibilité au taux d’intérêt légèrement supérieure à leur indice de référence. D’un point de vue géographique, nous sommes toujours surpondérés sur l’Italie, l’Espagne et le Portugal, au détriment de la France dont les perspectives budgétaires sont très incertaines. Cependant nous restons flexibles dans notre positionnement en termes de duration, afin de profiter de la volatilité des marchés qui permet des prises de positions plus tactiques. Sur le marché du crédit, en raison de la recherche de rendement, nous maintenons une surpondération sur les émetteurs européens de bonne notation (catégorie Investment Grade). Ces investissements sur les obligations privées nécessitent néanmoins d’être sélectifs sur la qualité et la liquidité de l’émetteur, ils permettent ainsi de bénéficier du portage attractif de cette classe d’actif.
Marchés Actions :
Au cours du mois d’octobre et en ce début novembre, il y a eu une nette divergence de performances entre les zones géographiques avec le recul des marchés boursiers européens et émergents, et la forte hausse des marchés américains suite à la large victoire de Donald Trump qui a défié des sondages encore très serrés la veille de l’élection. Les marchés ont salué à ce stade les volets pro-croissance de sa future politique que sont la baisse d’imposition des entreprises et la volonté de dérégulation économique.
Outre ce catalyseur principal, la nouvelle baisse de taux de la banque centrale américaine de 0,25 % à 4,75 % a été bien accueilli et les dernières données économiques montrent une nouvelle fois la résilience de l’économie américaine avec un rebond de l’activité dans les services, une consommation des ménages au-dessus des attentes et un marché du travail qui subit une phase d’atterrissage mais qui reste solide. Concernant la zone Euro et la Chine, il y a eu globalement une légère amélioration des indicateurs économiques après des mois de déception mais cela pèse peu face aux craintes liées aux potentiels tarifs douaniers que l’administration Trump souhaite imposer. L’autre point notable a été la déception liée aux annonces du conseil national du peuple chinois qui suscitaient beaucoup d’espoir. Si cet organe décisionnel a dévoilé un plan significatif de refinancement des dettes des collectivités locales, il n’y a eu par ailleurs que des orientations prospectives et pas de nouvelles mesures directes en faveur de la consommation des ménages, ni de plan pour apurer le secteur immobilier et racheter les stocks de logements et de terrains inoccupés.
Dans ce contexte, au 12 novembre, les marchés développés progressent depuis le début d’année de +19,06 % selon l’indice actions monde MSCI World (en dollar). L’indice large des actions américaines S&P500 affiche une performance de +25,45 % (en dollar), celui des actions européennes STOXX 600 de +4,85 % (en euro) et celui des actions japonaises TOPIX de +15,85 % (en yen). La performance des marchés émergents reflétée par l’indice MSCI Emerging Markets est quant à elle de +7,76 % (en dollar) depuis le début d’année.
L’autre point d’attention a été la poursuite de la saison des résultats avec, aujourd’hui, approximativement plus des deux tiers des entreprises qui les ont publiés de part et d’autre de l’Atlantique. Les publications se sont avérées globalement positives au niveau des bénéfices avec plus de 60 % des sociétés européennes et plus de 80 % des sociétés américaines qui ont battu les estimations. Au niveau du chiffre d’affaires, la situation est plus mitigée avec une proportion d'entreprises dépassant les estimations de ventes qui est plus faible que les trimestres précédents tant aux États-Unis qu'en Europe. Au global, les secteurs qui affichent les surprises les plus positives sont les services financiers et les services de télécommunications et, les secteurs qui montrent les plus fortes déceptions sont ceux de l’énergie, de l’industrie et de la consommation discrétionnaire (Luxe-Automobile). A ce jour, après quelques mois de révisions à la baisse, les attentes de croissance des bénéfices sont respectivement pour 2024 et 2025 de +1,9 % et +8,3 % en Europe et de + 9,6 % et 14,5 % aux Etats-Unis.
Notre gestion :
Dans nos portefeuilles, nous avons conservé notre vue constructive avec une légère surpondération actions. Au niveau géographique, nous avons préféré vendre la position initiée le mois dernier sur les actions chinoises suite aux annonces insuffisantes quant au plan de relance, et nous avons constitué une position sur les petites et moyennes capitalisations américaines qui devraient en premier lieu bénéficier des baisses d’imposition et de la volonté affichée par Donald Trump de relocaliser. Au niveau sélection de valeurs, les derniers mouvements ont consisté à quelques ajustements intra-sectoriels en renforçant des titres qui devraient bénéficier de la politique du nouveau Président américain et en favorisant ceux ayant un chiffre d’affaires et des implantations fortes aux Etats-Unis.
1 L'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) calculé par Eurostat.
2 PMI, pour Purchasing Managers Index, est un terme générique pour désigner des indices établis à partir d’enquêtes mensuelles auprès des directeurs d’achat des grandes entreprises des principales économies mondiales. Le PMI composite combine les données des indices PMI manufacturier et des services.
3 Publié chaque mois par l'organisme américain "Institute for Supply Management, l'indice ISM est séparé en deux grandes familles : L'ISM manufacturier, qui reflète la santé du secteur aux USA et l'ISM services, plus spécifique aux activités tertiaires. Cet indice, évalué en pourcentage, résulte d'une enquête auprès de 400 entreprises portant sur des données telles que : indicateurs sur les nouvelles commandes, production, emploi, délais de livraison, prix, stock, commandes à l’export et l’import ... On considère qu’une valeur supérieure à 50 % indique une expansion par rapport au mois précédent, si l’indice est inférieur à 50 %, cela indiquera alors une contraction.
4 L’indice PCE (Personal Consumption Expenditures) aux États-Unis mesure les dépenses en biens et services des ménages, reflétant l’évolution des prix et du poids des différentes dépenses dans le budget des ménages. L’indice « PCE cœur » correspond à l’indice des dépenses de consommation corrigé des éléments les plus volatils de l’énergie.
5 Comité de politique monétaire de la Réserve Fédérale des Etats-Unis. Il détermine notamment l’évolution du taux directeur de la FED.